À l’occasion du 25e anniversaire de la Résolution 1325 des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, plusieurs femmes leaders et engagées dans la promotion de la paix et la sécurité se sont exprimées sur leur rôle, particulièrement, en République Démocratique du Congo. Au premier rang desquelles, Deborah Nyamugabo, jeune experte en matière de paix et sécurité, qui a partagé son expérience au micro d’Equateur Magazine.
Quel impact cette Résolution a-t-elle eu en RDC ?
La Résolution 1325 a eu un impact important en termes de prise de conscience et de cadre normatif : elle a légitimé l’idée que les femmes doivent participer à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et poussé à l’élaboration de Plans d’action nationaux (PAN) et de politiques locales.
Sur le plan concret, on observe des avancées locales : davantage de femmes sont impliquées dans des comités de paix communautaires, des ONG qui forment et mobilisent des femmes, et certaines initiatives de participation dans des processus de médiation.
Cependant, l’impact réel et durable reste limité. Les obstacles suivants persistent : faible mise en œuvre des politiques, manque de financement régulier, représentation symbolique plus que substantielle des femmes dans les tables de négociation, et persistance des normes patriarcales qui réduisent la légitimité des femmes comme leaders.
En somme, il y a eu des progrès visibles sur le plan normatif et de la société civile, mais aussi des lacunes majeures en matière d’institutionnalisation, de ressources et de transformation des rapports de pouvoir.
Pourquoi vous êtes-vous engagée dans ce domaine ?
« Je suis entrée dans l’engagement parce que j’ai constaté, au quotidien, que les normes patriarcales et les stéréotypes de genre confinent les femmes à des rôles domestiques ou de victimes, réduisant leur légitimité comme leaders et médiatrices. Ces représentations sociales, combinées à l’insécurité et aux violences basées sur le genre, aux barrières économiques (manque d’accès au financement, au transport, à l’internet) et à l’absence de moyens logistiques, empêchent les jeunes femmes d’accéder aux formations, d’assumer des responsabilités à long terme et de participer aux décisions.
Ces constats m’ont poussée à militer et à travailler sur deux agendas complémentaires Femmes, paix et sécurité et Jeunesse, paix et sécurité qui recommandent aux États d’inclure les femmes et les jeunes aux tables de négociation et de valoriser leurs actions communautaires pour la paix. À titre personnel, c’est aussi la conviction que la paix durable ne peut exister sans la pleine participation des femmes et la volonté d’agir pour transformer les vies concrètes des communautés qui m’ont motivée. »
Quels sont les principaux obstacles à la participation des femmes ?
Selon Déborah Nyamugabo, Il y en a plusieurs obstacles, notamment :
– Financement insuffisant et mal orienté : les gouvernements et les bailleurs n’allouent pas de ressources pérennes pour mettre en œuvre les PAN et soutenir les organisations féminines locales ;
– Normes patriarcales et stéréotypes : réduisent l’acceptation sociale des femmes dans des rôles décisionnels ;
– Insécurité et VBG : la menace permanente (violences, déplacements) empêche la participation des femmes et fragilise celles qui s’engagent ;
– Faible capacité institutionnelle : manque de formation, de coordination interinstitutions et de suivi-évaluation des actions ;
– Barrières économiques et logistiques : accès limité au financement, au transport et au numérique, marginalisant surtout les jeunes femmes rurales ;
– Absence de sanctions et de responsabilisation : lois et politiques existent parfois sur le papier, mais il manque des mécanismes effectifs pour sanctionner les violations ;
– Manque de données sexospécifiques : difficile d’évaluer l’impact et d’orienter les interventions sans statistiques fiables.
Quelles mesures concrètes pour encourager et soutenir les jeunes femmes ?
Pour y parvenir, Deborah Nyamugabo formule plusieurs recommandations :
– Formations ciblées : leadership, négociation, sécurité numérique, gestion de projets accessibles aux jeunes femmes, y compris en milieu rural ;
– Mentorat et réseaux : jumeler jeunes femmes et mentors, créer des clubs de leadership et plateformes d’échanges ;
-Accès au financement : micro-subventions et fonds d’amorçage pour projets de paix portés par les jeunes femmes, avec simplification des démarches administratives ;
– Espaces sûrs et inclusifs : lieux physiques et numériques pour débattre et s’organiser sans crainte ;
– Quotas et mesures temporaires : assurer une présence significative dans les organes décisionnels locaux et nationaux ;
– Éducation civique et campagnes de sensibilisation : intégrer la paix, les droits et l’égalité de genre dans les écoles et communautés ;
– Alliances avec hommes et leaders traditionnels : réduire les résistances culturelles ;
– Visibilité et valorisation : diffuser les modèles locaux de jeunes femmes leaders et documenter leurs réussites.
Que suggérez-vous aux décideurs et à la communauté internationale ?

– Aux autorités congolaises : investir concrètement dans la mise en œuvre du Plan d’action national : budgets dédiés, coordination intersectorielle, application effective des lois contre les VBG, inclusion systématique des femmes et jeunes dans toutes les instances de décision ;
– À la communauté internationale : soutenir des financements à long terme et flexibles pour les organisations locales dirigées par des femmes et des jeunes, renforcer les capacités locales et exiger la reddition de comptes des États bénéficiaires ;
– Aux femmes et aux jeunes femmes congolaises : restez organisées, formez-vous, revendiquez votre place et transformez vos expériences en force politique. Créez des réseaux d’entraide, portez vos voix dans les espaces publics et appelez à la responsabilité des dirigeants, car, vous êtes les actrices principales de la paix dans vos communautés.
Hornela Mumbela








