Le 30 juin, jour symbolique de l’indépendance de la RDC, Grâce Neema Bisimwa , styliste congolaise et fondatrice de Negra Collection, fait entendre les « Voix de l’Est » sur les podiums parisiens. Son travail mêle art textile, mémoire collective et engagement social. Portrait d’une créatrice qui fait de la mode une forme de résistance.
De Goma à Paris : une trajectoire singulière
À première vue, Grâce est une styliste comme les autres : silhouette élancée, regard concentré, passion dans la voix. Mais derrière ses créations se cache une histoire profonde. Originaire de Goma, dans l’Est de la RDC, elle a grandi au rythme des machines à coudre de sa mère et aux échos lointains d’un conflit qui n’en finit pas.
« Je suis une femme, une artiste, une styliste, mais avant tout une témoin. Negra Collection est née du besoin de dire ce que nos corps et nos mémoires ne pouvaient plus taire », confie-t-elle.
Diplômée de l’Institut Supérieur des Arts et Métiers, Grâce a ensuite poursuivi sa route vers Paris, où elle s’impose désormais comme une voix émergente de la mode engagée.
« Paris m’a permis de confronter mes influences à d’autres regards, mais aussi de montrer que l’Afrique ne se limite pas à l’exotisme qu’on veut souvent lui coller. »
Negra Collection : couture, culture, mémoire
Fondée en 2018, Negra Collection est bien plus qu’une marque de mode. Son nom, volontairement fort, fait référence aux femmes noires, à leur résilience, mais aussi à leur invisibilisation dans les récits dominants. « Negra, c’est l’affirmation d’une fierté, mais aussi un acte politique. Chaque vêtement raconte une histoire que les archives officielles ont souvent effacée. »
À travers des tissus récupérés, des coupes brutes et des broderies portées comme des cicatrices visibles, ses créations rendent hommage aux victimes de la guerre, en particulier aux femmes. La collection qu’elle présente à la Tamasha Fashion Week intègre des motifs inspirés des pagnes de deuil, des noms brodés à la main, des silhouettes asymétriques qui traduisent l’instabilité et la perte.
Grâce est bien plus qu’une styliste : elle est une voix, une mémoire vivante, une lueur dans les ténèbres de l’Est.S
Samuel ABIBA Goma